L’archiviste ecclésiastique

Évoquer la profession d’archiviste dans le cadre précis d’une organisation confessionnelle – et plus particulièrement de l’Église catholique – nous oblige à une réflexion qui tienne compte de plusieurs aspects distincts. Tout d’abord, l’archiviste ecclésiastique est un archiviste dans la pleine et entière acception du terme. Il a les compétences et les qualités de la profession.

Pour compléter cet article, vous pouvez consulter le rapport d'enquête mené par l'Association des étudiants et diplômés en archivistique d'Angers (Aedaa) "être archiviste diocésain ou de congrégation aujourd'hui" publié en 2023.

La profession d’archiviste : aspects généraux

L’archiviste a la responsabilité de la politique de gestion et de conservation dans la longue durée de tous les documents utiles ou nécessaires au bon fonctionnement de l’institution productrice. À ce titre, il met en œuvre les méthodes et les techniques nécessaires à l’accomplissement de sa fonction à travers la succession des trois âges des archives et s’emploie à gérer toutes les étapes de la chaine archivistique soit, en amont, l’audit, l’expertise et la formation puis le classement et la conservation et, pour finir, la communication et la valorisation.

  • L’archiviste est une personne de confiance envers sa hiérarchie.
  • L’archiviste est astreint à un devoir de réserve et au secret professionnel.
  • L’archiviste doit être neutre et objectif dans l’application des règles (sa déontologie lui interdit toute censure pour quelque motif que ce soit, comme supprimer des documents qui devraient être conservés ou encore de refuser la communication de documents à des personnes qui ont droit d’accès).
  • L’archiviste est une personne rigoureuse (rigueur intellectuelle, rigueur dans le processus de l’archivage (tri, classement, conservation), rigueur dans la rédaction des instruments de recherche.
  • L’archiviste est une personne cultivée en histoire (on ne peut assurer la transmission de la mémoire d’une institution sans être familier avec son passé et son organisation).

La profession d’archiviste se distingue fondamentalement de professions qu’on a coutume de dire voisines comme celles de bibliothécaire et de documentaliste, celles-ci  ayant pour mission de donner accès à des documents ou à des informations qui sont par nature créés pour être diffusés. Elle se distingue également de l’érudit et de l’historien même s’il existe de nombreux points communs entre ces professions. Comme le précise Bruno Delmas : « l’historien et l’érudit ont besoin de l’archiviste pour faire leur travail »[1]. L’archiviste, qui inscrit son action dans la durée, demeure le maillon nécessaire et indispensable entre le document brut et le chercheur. 

L’archiviste ecclésiastique : législation, rôle et missions

A/ Législation

Le code de droit canonique de 1983 précise le soin à apporter aux archives (can. 486), le rôle de l’évêque diocésain (can. 491) et du chancelier mais ne définit pas le statut de l’archiviste diocésain. Il est toutefois sous-entendu compte tenu de la réalité du travail d’archivage qui est réalisé.

B/ La formation

La formation qualifiante (plus souple qu’une formation diplômante) reste la priorité de l’Association des archivistes de l’Eglise de France en proposant des formations allant de l’initiation à l’archivistique à la gestion d’un service d’archives et à la normalisation des instruments de recherche.

C/ Une profession qui évolue avec son temps et son institution

Le 40e anniversaire de l’Association des archivistes de l’Église de France nous a permis de constater l’évolution de la profession. D’une manière générale, le poste d’archiviste anciennement dévolue à un clerc ou à une religieuse, souvent historien, maitrisant le latin mais rarement archiviste, a laissé la place progressivement à un professionnel laïc salarié. Les nouveaux moyens de communication, l’archivage électronique et l’application des normes internationales de description nous obligent sans cesse à connaitre les nouvelles techniques de la profession.

D/ L’archiviste diocésain                                        

Pour exercer sa responsabilité, l’évêque diocésain constitue l’office de délégué épiscopal chargé des archives, distinct de l'office de chancelier[2]. Le titulaire de cet office est choisi pour ses compétences en archivistique (acquises par expérience ou par des formations ad hoc) et pour sa connaissance des institutions ecclésiales[3]. La pratique actuelle le désigne sous le vocable d’archiviste diocésain. Par cet office, le délégué épiscopal est responsable du service diocésain des archives.

Au nom de l’évêque :

  • Il exerce la vigilance sur l’ensemble des archives courantes et intermédiaires du diocèse[4].
  • Il collecte, traite et communique les archives définitives ou historiques[5].
  • Il applique les normes en vigueur pour la gestion générale des archives[6].

Typologie des archivistes diocésains en France aujourd’hui :

  • Prêtres (35%)
  • Laïcs (65% dont 28% de femmes et 37% d’hommes) : Salariés (80 %) ou bénévoles (20 %) avec lettre de mission de l’évêque. Depuis quelques années, de jeunes archivistes laïcs formés à l’université (master d’archivistique) sont recrutés dans les services d’archives ecclésiastiques.

E/ L’archiviste d’Institut religieux

L’autorité légitimement constituée, supérieur(e) général(e) ou supérieur(e) majeur(e), nomme le titulaire de la charge et détermine avec lui le règlement général des archives (notamment les règles de communicabilité). En fonction de l’organisation propre de chaque institut religieux, un ou plusieurs services d’archives avec un archiviste nommé peuvent exister :

  • archives générales (maison mère, à Rome ou en France),
  • archives provinciales (par pays ou région)
  • archives des maisons religieuses.

Après le retour des religieux sur le territoire français (entre 1919 et 1940), les archives sont restées dispersées dans les différentes maisons religieuses mais, depuis les années 1970, et sous l’influence du Groupe de recherches historiques et archivistique des congrégations religieuses féminines (AAEF), des archivistes ont permis un classement de ces documents et l’organisation de services d’archives.

F/ La fonction pastorale

Quel que soit l’institution qui l’embauche, l’archiviste doit transmettre, par son travail, l’essentiel de la communauté qu’il sert. Lorsqu’il s’agit d’une organisation confessionnelle et plus particulièrement de l’Église catholique, l’archiviste doit être intrinsèquement lié à la mission et au message de l’Eglise. La Commission pontificale pour les biens culturels de l’Église précise cela dans la lettre circulaire sur la fonction pastorale des archives ecclésiastiques en consacrant un sous-chapitre au personnel qualifié[7]. Le texte romain précise que les archives ecclésiastiques doivent être gérées par « des personnes expertes et capables », dont la responsabilité s’exerce sur l’ensemble des archives (courantes, intermédiaires et définitives). La formation, essentielle pour la commission pontificale, ainsi que l’importance des associations nationales d’archivistes ecclésiastiques sont mentionnées.

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Pour conclure, la profession d’archiviste reste, par sa mission, intrinsèquement tournée vers l’avenir. « Conserver pour transmettre » ne peut qu’être une fenêtre vers demain. L’archiviste ecclésiastique ne déroge pas à cette philosophie. La mémoire de l’Eglise passe par ses archives comme le dit la devise de notre association : Servata tradere viva ! Garder la mémoire et la transmettre vivante !


[1] Archives de l’Église de France, bulletin de l’Association des archivistes de l’Eglise de France, N° 54, 2000, pp. 3-5.
[2] Le code de droit canonique de 1983 distingue plusieurs catégories d'archives : les archives spécifiques de la curie placées sous la responsabilité du chancelier (can 482) etles archives ecclésiastiques diocésaines placées sous la vigilance et la responsabilité de l'évêque diocésain (can 491).
[3] Lettre circulaire « la fonction pastorale... », § 2.5.
[4] CIC, can 491, § 1.
[5] Id., can 491, § 2.
[6] Id., can 491, § 3.
[7]La fonction pastorale des archives ecclésiastiques, Lettre circulaire de la Commission pontificale pour les biens culturels de l’Eglise, 2 février 1997, pp. 30-32.