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L'abbé Bruno Gerthoux, archiviste et chancelier du diocèse d'Avignon, a participé à la première rencontre de ses assises, dont l'objectif était d'établir un état des lieux des acteurs institutionnels de la pratique héraldique en France. Il nous partage des photographies et le compte rendu de la rencontre.
Programme des Assises
L’UNESCO a développé un programme de sauvegarde du patrimoine culturel immatériel. Dans cette perspective, sous l’égide du Ministère de la Culture, les Assises de la pratique héraldique contemporaine en France en vue de sa reconnaissance comme « Patrimoine culturel immatériel », ont commencé le 19 octobre 2023 par une première réunion des acteurs institutionnels de la pratique héraldique en France, en vue d’un état des lieux. Ces assises sont coordonnées par Nicolas Vernot.
La spécificité du patrimoine culturel immatériel est précisément d’être immatériel. Porté par une communauté qui le définit, il est transmis de génération en génération, et par la suite, il est recréé à chaque époque, s’adaptant aux conditions du temps, tout en ayant une fonction sociale d’identité, de reconnaissance, de cohésion. Ni construit, ni peint, ni sculpté, il peut relever des traditions et expressions orales, des métiers du spectacle, de la connaissance du monde et de la nature, ou du savoir-faire de l’artisanat traditionnel. Par son immatérialité, dans le cadre de la mondialisation, il est vulnérable et menacé. Par ce programme de sauvegarde, il s’agit d’identifier le patrimoine culturel immatériel, dans les pays, de l’inventorier et de contribuer à lui donner une viabilité. Loin d’être un « gadget », ce programme de sauvegarde a toutes les caractéristiques d’une discipline scientifique.
Si l’héraldique, art et science du blason, a une place assurée comme science auxiliaire de l’histoire, est-elle, en outre, un patrimoine culturel immatériel ? Ce qui est visée, ce ne sont pas les réalisations figurées des armoiries en tant que telle, mais la pratique elle-même de l’héraldique, qui peut conduire à ces figurations. Depuis le XIIè siècle, d’abord sur les champs de bataille, puis très rapidement dans toutes les catégories de la société, les mêmes règles, pratiques et usages, permettent encore aujourd’hui à des personnes de réaliser des armoiries.
Avec son langage particulier et précis, son vocabulaire, sa grammaire et sa syntaxe, elle relève des traditions orales et expressions populaires. Elle prend part aux pratiques sociales, et demande un savoir-faire spécifique. L’héraldique est portée par une communauté, que ce soit celle des héraldistes (connaisseurs et créateurs), comme celle de ceux qui utilisent l’héraldique, qui transmet les armoiries comme un lien social et un signe de reconnaissance. Cet art et science se transmet de génération en génération depuis le XIIè siècle, avec un sentiment d’unité et de continuité, nourri par une activité vivante qui s’adapte aux moyens, conditions et supports actuels.
Si l’héraldique, en France, n’est pas portée par la Loi, en revanche, la jurisprudence la reconnait, et régulièrement des jugements sont prononcés sur des questions de droit héraldique et de port des armoiries. Un arrêt de la Cour d’Appel de Paris de 1949, les reconnait comme « des marques de reconnaissance, accessoires du nom de famille auquel elles se rattachent indissolublement », relevant du même droit, en pratique, que celui des noms de familles. La jurisprudence rappelle aussi que les droits d’autrui doivent être respectés, et les règles de la composition héraldique observées. Cette question du droit héraldique n’est pas anecdotique, parce qu’elle est un indice de la vie de cet art et science, portée par une communauté qui la définit et reconnaît.
Ce fut ensuite au tour des acteurs institutionnels d’intervenir : collectivités locales, monde militaire, institutions et personnes privées (ANF, Eglise catholique, Franc-Maçonnerie) … et de faire un état des lieux de leurs pratiques.
Je soulignerai trois points de ces interventions. Tout d’abord, que ce soit dans les collectivités locales, à l’armée ou dans les institutions privées, les services d’archives et les archivistes, jouent souvent un rôle de conseil et d’orientation, manifestant combien à la fois cette pratique se rattache à un héritage patrimonial, et combien ce service est important dans l’actualité et le quotidien. C’est particulièrement évident pour la création de blasons pour les communes ou nouvelles communes, avec l’aide du Conseil National d’Héraldique, ou les services d’archives départementales.
Le deuxième point est celui de la richesse de la diversité des pratiques, le recours au langage héraldique, la capacité de création et d’adaptation à l’actualité et au monde d’aujourd’hui, qui fait de l’héraldique un patrimoine culturel vivant.
Enfin, quelles que soient nos différences dans nos pratiques héraldiques, nos origines sociologiques, nos convictions philosophiques ou religieuses, c’est un fait, l’héraldique a dévoilé entre-nous une réelle communauté, et cette réunion fut l’occasion d’un dialogue riche. Il était important que l’Eglise catholique fût représentée, et les organisateurs y tenaient.
Pour ma part, représentant l’Association des Archivistes de l’Eglise de France, je suis intervenu en trois points : les armoiries dans le droit de l’Eglise, l’usage et utilisation actuel de l’héraldique dans l’Eglise, la création héraldique actuelle et enfin, les projets et initiatives de l’AAEF au service de l’héraldique, avec notamment, l’album en ligne des évêques.
L’Eglise catholique a toute sa place, parce que dès les premiers temps de l’héraldique, tout au long de l’histoire, et aujourd’hui encore, notamment par les armoiries de prélats, de congrégations religieuses et les sceaux paroissiaux, l’Eglise contribue à faire vivre ce patrimoine culturel immatériel.
Photo de gauche : participants aux Assises, salle d'Albâtre des Archives nationales.
Photo de droite : Nicolas Vernot, responsable des Assises.
Copyright - Ces blasons sont la création de Bruno Gerthoux.
Blasons de gauche à droite :
Programme des Assises
L’UNESCO a développé un programme de sauvegarde du patrimoine culturel immatériel. Dans cette perspective, sous l’égide du Ministère de la Culture, les Assises de la pratique héraldique contemporaine en France en vue de sa reconnaissance comme « Patrimoine culturel immatériel », ont commencé le 19 octobre 2023 par une première réunion des acteurs institutionnels de la pratique héraldique en France, en vue d’un état des lieux. Ces assises sont coordonnées par Nicolas Vernot.
Trois intervenants ont fait une présentation générale, permettant de comprendre les enjeux. Mme Lily Martinet (chargée de mission pour le patrimoine culturel immatériel et l'ethnologie de la France, Ministère de la Culture) a expliqué la mise en œuvre de la Convention pour la sauvegarde du Patrimoine culturel immatériel. M. Nicolas Vernot s’est interrogé sur la pertinence de la démarche de reconnaissance de la pratique héraldique comme Patrimoine culturel immatériel. Enfin, M. Marc Baronnet (juriste spécialiste du droit héraldique, président assesseur à la cour administrative d'appel de Douai) a exposé brièvement le droit héraldique français contemporain
La spécificité du patrimoine culturel immatériel est précisément d’être immatériel. Porté par une communauté qui le définit, il est transmis de génération en génération, et par la suite, il est recréé à chaque époque, s’adaptant aux conditions du temps, tout en ayant une fonction sociale d’identité, de reconnaissance, de cohésion. Ni construit, ni peint, ni sculpté, il peut relever des traditions et expressions orales, des métiers du spectacle, de la connaissance du monde et de la nature, ou du savoir-faire de l’artisanat traditionnel. Par son immatérialité, dans le cadre de la mondialisation, il est vulnérable et menacé. Par ce programme de sauvegarde, il s’agit d’identifier le patrimoine culturel immatériel, dans les pays, de l’inventorier et de contribuer à lui donner une viabilité. Loin d’être un « gadget », ce programme de sauvegarde a toutes les caractéristiques d’une discipline scientifique.
Si l’héraldique, art et science du blason, a une place assurée comme science auxiliaire de l’histoire, est-elle, en outre, un patrimoine culturel immatériel ? Ce qui est visée, ce ne sont pas les réalisations figurées des armoiries en tant que telle, mais la pratique elle-même de l’héraldique, qui peut conduire à ces figurations. Depuis le XIIè siècle, d’abord sur les champs de bataille, puis très rapidement dans toutes les catégories de la société, les mêmes règles, pratiques et usages, permettent encore aujourd’hui à des personnes de réaliser des armoiries.
Avec son langage particulier et précis, son vocabulaire, sa grammaire et sa syntaxe, elle relève des traditions orales et expressions populaires. Elle prend part aux pratiques sociales, et demande un savoir-faire spécifique. L’héraldique est portée par une communauté, que ce soit celle des héraldistes (connaisseurs et créateurs), comme celle de ceux qui utilisent l’héraldique, qui transmet les armoiries comme un lien social et un signe de reconnaissance. Cet art et science se transmet de génération en génération depuis le XIIè siècle, avec un sentiment d’unité et de continuité, nourri par une activité vivante qui s’adapte aux moyens, conditions et supports actuels.
Si l’héraldique, en France, n’est pas portée par la Loi, en revanche, la jurisprudence la reconnait, et régulièrement des jugements sont prononcés sur des questions de droit héraldique et de port des armoiries. Un arrêt de la Cour d’Appel de Paris de 1949, les reconnait comme « des marques de reconnaissance, accessoires du nom de famille auquel elles se rattachent indissolublement », relevant du même droit, en pratique, que celui des noms de familles. La jurisprudence rappelle aussi que les droits d’autrui doivent être respectés, et les règles de la composition héraldique observées. Cette question du droit héraldique n’est pas anecdotique, parce qu’elle est un indice de la vie de cet art et science, portée par une communauté qui la définit et reconnaît.
Ce fut ensuite au tour des acteurs institutionnels d’intervenir : collectivités locales, monde militaire, institutions et personnes privées (ANF, Eglise catholique, Franc-Maçonnerie) … et de faire un état des lieux de leurs pratiques.
Je soulignerai trois points de ces interventions. Tout d’abord, que ce soit dans les collectivités locales, à l’armée ou dans les institutions privées, les services d’archives et les archivistes, jouent souvent un rôle de conseil et d’orientation, manifestant combien à la fois cette pratique se rattache à un héritage patrimonial, et combien ce service est important dans l’actualité et le quotidien. C’est particulièrement évident pour la création de blasons pour les communes ou nouvelles communes, avec l’aide du Conseil National d’Héraldique, ou les services d’archives départementales.
Le deuxième point est celui de la richesse de la diversité des pratiques, le recours au langage héraldique, la capacité de création et d’adaptation à l’actualité et au monde d’aujourd’hui, qui fait de l’héraldique un patrimoine culturel vivant.
Enfin, quelles que soient nos différences dans nos pratiques héraldiques, nos origines sociologiques, nos convictions philosophiques ou religieuses, c’est un fait, l’héraldique a dévoilé entre-nous une réelle communauté, et cette réunion fut l’occasion d’un dialogue riche. Il était important que l’Eglise catholique fût représentée, et les organisateurs y tenaient.
Pour ma part, représentant l’Association des Archivistes de l’Eglise de France, je suis intervenu en trois points : les armoiries dans le droit de l’Eglise, l’usage et utilisation actuel de l’héraldique dans l’Eglise, la création héraldique actuelle et enfin, les projets et initiatives de l’AAEF au service de l’héraldique, avec notamment, l’album en ligne des évêques.
L’Eglise catholique a toute sa place, parce que dès les premiers temps de l’héraldique, tout au long de l’histoire, et aujourd’hui encore, notamment par les armoiries de prélats, de congrégations religieuses et les sceaux paroissiaux, l’Eglise contribue à faire vivre ce patrimoine culturel immatériel.
Abbé Bruno Gerthoux
Membre du Conseil d’Administration de l’AAEF
Membre du Conseil d’Administration de l’AAEF
Photo de gauche : participants aux Assises, salle d'Albâtre des Archives nationales.
Photo de droite : Nicolas Vernot, responsable des Assises.
Copyright - Ces blasons sont la création de Bruno Gerthoux.
Blasons de gauche à droite :
- Armoiries du vénérable chapitre des chanoines de Notre-Dame-des-Doms, Avignon
- SE Raymond Bouchex, archevêque d'Avignon
- SE Jean-Philippe Nault, évêque de Nice
- SE Emmanuel Gobilliard, évêque de Digne