Informations
Ce colloque est organisé dans le cadre du projet REGULAE (Pour une histoire de la normativité dans les ordres religieux (XVe-XXe siècles) porté par les Labex COMOD (Université de Lyon) et HASTEC (université Paris-Sciences-Lettres).
Au delà des quatre règles autorisées depuis le XIIIe siècle (Benoît, Augustin, François et Albert), auxquelles s’ajoute celle de Basile pour le monachisme oriental catholique, la vie des réguliers est encadrée par une grande diversité de textes : constitutions, statuts, décrets des chapitres et définitoires généraux ou provinciaux, etc., forment un océan de textes réglementaires qui organisent le fonctionnement des ordres religieux à des échelles diverses : ordres/congrégations, provinces, maisons. L’articulation entre ces textes n’est pas toujours limpide d’une part, leur production et leur mise en oeuvre relève d’enjeux qui demandent à être explicités d’autre part. Par ailleurs, la production de ces textes se fait entre trois pôles : l’ordre (à trois niveaux : central, provincial, local), la Curie romaine où se construit depuis le Concile de Trente le droit canonique, l’Etat et ses juridictions qui élaborent le droit civil et sa jurisprudence. La question centrale est celle de l’auto-normativité des ordres en leurs différentes échelles internes et du contrôle dont elle fait l’objet de la part des instances externes ecclésiastiques et laïques.
La longue durée se justifie par le fonctionnement des ordres religieux dont les évolutions se font toujours à la fois par rapport au contexte contemporain et par rapport à leurs origines. La césure de la Révolution française n’est pas opératoire à l’échelle transnationale des ordres : il faut adopter une autre scansion. Au cours de la période envisagée, on peut identifier trois époques privilégiées, au fil desquelles se jouent à la fois des continuités et des ruptures : les hautes eaux de la Réforme catholique au cours de la première modernité, le XIXe siècle de la Restauration catholique et de la nouvelle dynamique missionnaire, les années de l’aggiornamento avant et après Vatican II.
Il convient néanmoins de remonter au XVe siècle au cours duquel se déploie un important mouvement transversal d’observance. Par ailleurs, l’activité normative ne cesse jamais en fonction de l’évolution des contextes interne et externe à chaque institut. Les réformes inspirent des normes nouvelles ou renouvelées aussi bien sur le fondement d’une dynamique interne que sous l’impulsion d’instances externes, ecclésiastiques ou non. Les conciles de Trente puis de Vatican II (1962-1965), ont accompagné et donné un cadre aux mouvements de réformes et de « retour aux sources » comme aux nouvelles fondations. Les papes, à l’instar de Clément VIII (1592-1605) ou d’Innocent X (1644-1655) à l’époque moderne, de Paul VI et Jean-Paul II au XXe siècle, ont aussi tenté d’imposer une uniformisation. Enfin, les pouvoirs séculiers ont joué un rôle majeur : par exemple, la monarchie française sous Louis XIII avec le cardinal de La Rochefoucauld et sous Louis XV avec la Commission des réguliers, ou encore la monarchie autrichienne à l’époque de Joseph II. Depuis le XVIIIe siècle, la question de la mainmorte et de la propriété est au coeur de la redéfinition juridique de la place des réguliers dans la société. Plus largement, l’écriture du droit des réguliers s’inscrit dans des sociétés où, sur la longue durée, le droit des États tend à s’uniformiser et à
supplanter le droit canonique.
Reconstituer l’histoire de la rédaction de ces textes, c’est prendre la mesure des dynamiques parfois contradictoires qui traversent l’histoire des réguliers, celle des influences qui prévalent à une époque donnée en fonction des mutations internes (spirituelles, théologiques, ecclésiologiques) et externes (sociétales, culturelles, politiques, économiques). Se pencher sur les usages de ces textes, c’est essayer de comprendre aussi bien la gouvernance des ordres que les modalités de l’appropriation et de l’adaptation de la norme en étant toujours attentif aux jeux d’échelles. C’est enfin prendre en compte leur instrumentalisation dans la mise en question des ordres religieux : par
exemple, depuis l’examen des Constitutions de la Compagnie de Jésus par les parlements de France au début des années 1760, jusqu’aux aux débats dans plusieurs pays européens ou extra-européens au XIXe siècle sur la présence des religieux.
Les plus célèbres des ordres se sont développés à l’échelle transnationale, mais dès avant le XIXe siècle, de nombreuses congrégations, essentiellement féminines, n’ont eu un rayonnement que régional, tandis que d’autres, comme les congrégations bénédictines ou cisterciennes, se sont inscrites dans le cadre des États modernes. La nécessité de prendre en compte ces jeux d’échelle amène logiquement à envisager une dimension globale, celle des limites de la catholicité.
Si le champ n’est pas vierge, il n’a pas fait l’objet de nombreux travaux spécifiques. Le plus souvent, la gouvernance et la réglementation sont présentées comme le fruit de réformes plus ou moins périodiques, comme le résultat d’un processus plutôt que dans ce processus lui-même avec ce qu’il suppose d’interactions, de stratégies, de débats et d’enjeux. En inversant le point de vue, on considérera cette production textuelle comme une dynamique à expliciter, entre autonomie et contrôle, entre centre et périphérie, entre top-down et bottom-up.
Quatre axes thématiques ont été retenus :
Au delà des quatre règles autorisées depuis le XIIIe siècle (Benoît, Augustin, François et Albert), auxquelles s’ajoute celle de Basile pour le monachisme oriental catholique, la vie des réguliers est encadrée par une grande diversité de textes : constitutions, statuts, décrets des chapitres et définitoires généraux ou provinciaux, etc., forment un océan de textes réglementaires qui organisent le fonctionnement des ordres religieux à des échelles diverses : ordres/congrégations, provinces, maisons. L’articulation entre ces textes n’est pas toujours limpide d’une part, leur production et leur mise en oeuvre relève d’enjeux qui demandent à être explicités d’autre part. Par ailleurs, la production de ces textes se fait entre trois pôles : l’ordre (à trois niveaux : central, provincial, local), la Curie romaine où se construit depuis le Concile de Trente le droit canonique, l’Etat et ses juridictions qui élaborent le droit civil et sa jurisprudence. La question centrale est celle de l’auto-normativité des ordres en leurs différentes échelles internes et du contrôle dont elle fait l’objet de la part des instances externes ecclésiastiques et laïques.
La longue durée se justifie par le fonctionnement des ordres religieux dont les évolutions se font toujours à la fois par rapport au contexte contemporain et par rapport à leurs origines. La césure de la Révolution française n’est pas opératoire à l’échelle transnationale des ordres : il faut adopter une autre scansion. Au cours de la période envisagée, on peut identifier trois époques privilégiées, au fil desquelles se jouent à la fois des continuités et des ruptures : les hautes eaux de la Réforme catholique au cours de la première modernité, le XIXe siècle de la Restauration catholique et de la nouvelle dynamique missionnaire, les années de l’aggiornamento avant et après Vatican II.
Il convient néanmoins de remonter au XVe siècle au cours duquel se déploie un important mouvement transversal d’observance. Par ailleurs, l’activité normative ne cesse jamais en fonction de l’évolution des contextes interne et externe à chaque institut. Les réformes inspirent des normes nouvelles ou renouvelées aussi bien sur le fondement d’une dynamique interne que sous l’impulsion d’instances externes, ecclésiastiques ou non. Les conciles de Trente puis de Vatican II (1962-1965), ont accompagné et donné un cadre aux mouvements de réformes et de « retour aux sources » comme aux nouvelles fondations. Les papes, à l’instar de Clément VIII (1592-1605) ou d’Innocent X (1644-1655) à l’époque moderne, de Paul VI et Jean-Paul II au XXe siècle, ont aussi tenté d’imposer une uniformisation. Enfin, les pouvoirs séculiers ont joué un rôle majeur : par exemple, la monarchie française sous Louis XIII avec le cardinal de La Rochefoucauld et sous Louis XV avec la Commission des réguliers, ou encore la monarchie autrichienne à l’époque de Joseph II. Depuis le XVIIIe siècle, la question de la mainmorte et de la propriété est au coeur de la redéfinition juridique de la place des réguliers dans la société. Plus largement, l’écriture du droit des réguliers s’inscrit dans des sociétés où, sur la longue durée, le droit des États tend à s’uniformiser et à
supplanter le droit canonique.
Reconstituer l’histoire de la rédaction de ces textes, c’est prendre la mesure des dynamiques parfois contradictoires qui traversent l’histoire des réguliers, celle des influences qui prévalent à une époque donnée en fonction des mutations internes (spirituelles, théologiques, ecclésiologiques) et externes (sociétales, culturelles, politiques, économiques). Se pencher sur les usages de ces textes, c’est essayer de comprendre aussi bien la gouvernance des ordres que les modalités de l’appropriation et de l’adaptation de la norme en étant toujours attentif aux jeux d’échelles. C’est enfin prendre en compte leur instrumentalisation dans la mise en question des ordres religieux : par
exemple, depuis l’examen des Constitutions de la Compagnie de Jésus par les parlements de France au début des années 1760, jusqu’aux aux débats dans plusieurs pays européens ou extra-européens au XIXe siècle sur la présence des religieux.
Les plus célèbres des ordres se sont développés à l’échelle transnationale, mais dès avant le XIXe siècle, de nombreuses congrégations, essentiellement féminines, n’ont eu un rayonnement que régional, tandis que d’autres, comme les congrégations bénédictines ou cisterciennes, se sont inscrites dans le cadre des États modernes. La nécessité de prendre en compte ces jeux d’échelle amène logiquement à envisager une dimension globale, celle des limites de la catholicité.
Si le champ n’est pas vierge, il n’a pas fait l’objet de nombreux travaux spécifiques. Le plus souvent, la gouvernance et la réglementation sont présentées comme le fruit de réformes plus ou moins périodiques, comme le résultat d’un processus plutôt que dans ce processus lui-même avec ce qu’il suppose d’interactions, de stratégies, de débats et d’enjeux. En inversant le point de vue, on considérera cette production textuelle comme une dynamique à expliciter, entre autonomie et contrôle, entre centre et périphérie, entre top-down et bottom-up.
Quatre axes thématiques ont été retenus :
- la typologie : commentaires de la règle, constitutions, statuts, décrets des chapitres et définitoires généraux ou provinciaux, coutumiers, circulaires, cérémoniaux, etc.
- la production : on essaiera de préciser le processus de rédaction depuis la genèse du projet jusqu’à la validation des textes, en précisant le contexte et son évolution ainsi que les rôles des individus et des instances institutionnelles.
- les usages : conservation et communication des textes, application et débats à ce sujet, instrumentalisation dans les débats internes et externes.
Bernard Hours (Université Lyon 3, UMR 5190 LARHRA) : bernard.hours@univ-lyon3.fr
Odon Hurel (PSL – CNRS, EPHE, UMR 8584 LEM) : daniel.hurrel@ephe.psl.eu